La peau est un vaste sujet en médecine traditionnelle chinoise, qui a beaucoup d’implication dans notre vie de tous les jours. Cet article tente de creuser un peu autour de ce thème et de donner quelques pistes de réflexion.
Nous allons commencer par aborder brièvement la peau du point de vue de l'anatomie et la physiologie occidentale. La peau est le plus grand organe du corps humain, dont la principale fonction est d’envelopper et de protéger le corps. Elle est extrêmement vascularisée (irrigation sanguine) et munie d’une grande diversité de capteurs sensoriels permettant de ressentir les stimulations thermiques et mécaniques extérieures.
Chez l’adulte, la peau pèse environ 4 kilogrammes pour une superficie pouvant atteindre 2 m². Elle est composée de 3 couches :
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L’épiderme (noté A sur le dessin) est la couche la plus superficielle de la peau. Il a un rôle de protection et abrite de nombreuses terminaisons nerveuses.
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Le derme (noté B sur le dessin), couche intermédiaire fortement vascularisée, est constitué de tissus conjonctifs dont le collagène et les fibres élastiques. La dégradation de ces tissus est à l’origine des rides et des marques du vieillissement.
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L’hypoderme (noté C sur le dessin), couche la plus profonde, est essentiellement constitué de graisse parcourue de vaisseaux sanguins. Il a un rôle important dans le maintien de la température corporelle et la protection du corps contre les chocs mécaniques.
Fait notable : lors du développement de l’embryon se développe une structure de base en plusieurs feuillets. La peau et le système nerveux sont tous deux issus du même feuillet embryologique, l’ectoderme, ce qui explique d’ailleurs partiellement l’action du shiatsu sur le corps. Cela démontre également un lien entre la peau et les tensions nerveuses et psychiques, lien connu depuis longtemps de tous les adeptes du massage bien-être.
Retour maintenant en Orient pour compléter notre compréhension de cet organe...
Limites de l'individu et interface avec le monde
La peau marque la frontière visible entre le monde intérieur et le monde extérieur. A ce titre, elle joue le rôle d’interface entre ces deux mondes. Le toucher et le contact, au sens large, passent par la peau ce qui signe encore une fois notre relation à l’extérieur.
A la surface de cette enveloppe corporelle se trouvent les points d’acupuncture et les zones réflexes, qui définissent des ponts entre l’intérieur et l’extérieur du corps. Ainsi tout massage, et plus particulièrement le shiatsu, permettra d’entretenir une relation saine entre ces deux mondes.
Le toucher, en définissant nos limites corporelles définit également notre individualité au sein d'un univers où tout est relié. Pensons au bébé dans le ventre de sa mère, baignant dans le liquide amniotique, il est en contact sur la totalité de sa peau. Ce contact va le définir et le constituer, et ne sera que très rarement retrouvé plus tard (lors des baignades). En Inde, comme dans la plupart des pays d'Asie, il est traditionnel de masser le nouveau-né jusqu'à ses 4 ou 5 ans pour aider à son développement physique et psychique.
Selon l’anthropologue et humaniste Ashley Montagu dans son ouvrage "La peau et le toucher", plus de la moitié des bébés nés dans les orphelinats américains au début du vingtième siècle sont décédés par manque de contact physique. Le toucher est bel et bien un besoin fondamental.
La peau, en lien avec l’énergie et le sang
Selon la médecine traditionnelle chinoise, la peau est en lien avec l’énergie des poumons et du gros intestin, et avec le sang qui la nourrit.
La peau est considérée comme le troisième poumon. En effet, les poumons et la peau entretiennent des échanges constants avec l’extérieur, notamment à travers la respiration, et sont sensibles à la qualité de l’air ambiant (sécheresse, humidité, etc). L’influence de l’énergie des poumons se fait ressentir également sur le système pileux, et sur l’espace entre la peau et les muscles.
Comme le gros intestin, la peau est un émonctoire naturel qui élimine les déchets du corps, notamment des liquides organiques et du sang, et les toxines (transpiration, odeurs, dermatoses). Il est d’ailleurs courant de constater l’influence d'une alimentation trop riche sur notre peau, en particulier celle des laitages qui semblent aggraver les problèmes cutanés.
Ainsi, la qualité de la peau sera très dépendante de l’énergie des poumons, mais aussi du sang et des liquides organiques qui assurent sa correcte humidification. Selon le chapitre 8 du Ling Shu, un des textes anciens de la médecine traditionnelle chinoise, le sang est le logis de l'esprit. Il est l'ancrage de la conscience dans le corps et agit comme une racine pour elle. Le sang est ainsi très en lien avec la sphère psycho-émotionnelle de l'individu. Ainsi, par son intermédiaire la peau peut être le lieu de l'évacuation des tensions psychiques, et tout déséquilibre du sang peut avoir des répercussions psychiques qui se manifestent sur la peau.
Bouclier de l’organisme
La peau est en relation avec l’extérieur et réagit aux agressions externes, physiques ou psychiques, c’est le premier bouclier de l’organisme. La barrière cutanée va faire obstacle aux agressions de toute sorte.
A la périphérie du corps circule une énergie particulière gouvernée par les poumons, appelée Wei Qi. Cette énergie de défense et de régulation protège le corps des énergies climatiques (chaud, froid, sécheresse, humidité, …) et des agents pathogènes externes.
Les souffles défensifs de Wei Qi participent également à l'adaptation du corps à son environnement (température, humidité), notamment via l’ouverture et la fermeture des pores.
La peau, reflet de l'interne et des émotions
La peau, et l'espace entre la peau et les muscles (dont les fameux fascias), accueillent nos cicatrices et mémorisent nos émotions et nos expériences. Le lien entre la peau et les émotions est d'ailleurs parfois évident : rougissement, pâleur, chair de poule, transpiration, etc...
Les pathologies de la peau (eczéma, psoriasis, urticaire, …) peuvent ainsi marquer une difficulté à gérer les évènements extérieurs mais aussi notre réaction à un ressenti d'agression extérieure, réelle ou non. Ces pathologies peuvent être une représentation physique de notre difficulté à être en contact avec ce monde extérieur, ou à exprimer un sentiment ou une émotion intérieure. Comme décrit plus haut, c'est quelquefois une manière qu'à le corps d'évacuer ces tensions qui ne peuvent être exprimées autrement en l'état.
Il est à souligner aussi le rôle social de la peau et du toucher, présent dans la communication non verbale et dans la relation à l'autre. On notera que selon les cultures le rapport au toucher est très différent. Il prend, par exemple, moins de place dans la société occidentale contemporaine que dans la société orientale, tant au niveau des relations interpersonnelles que dans l'éducation des enfants.
L'exemple de l’eczéma
On peut illustrer le lien entre poumons et peau avec l’exemple de l’eczéma chez l'enfant. En énergétique traditionnelle chinoise, l’eczéma est considéré comme une maladie de l’avers, c’est-à-dire un déséquilibre intérieur qui va s’exprimer vers l’extérieur.
Quand un enfant présente de l’eczéma, il est courant de traiter ce problème de peau avec des médicaments qui vont empêcher la maladie de s’exprimer en surface, diminuant le symptôme mais pas le déséquilibre énergétique sous-jacent. Ainsi, des années plus tard il peut arriver qu’un asthme se déclare quand le même déséquilibre va s’exprimer en profondeur.
Une approche thérapeutique complémentaire pourrait être de rechercher le type de déséquilibre énergétique (atteinte par des souffles pervers externes ou internes, atteinte des fonctions de la peau, et du sang...) et de le corriger par le shiatsu ou l'acupuncture en tenant compte de la constitution et du contexte de la personne (énergie des poumons faibles par exemple).
Digipression de la peau
Nous allons aborder ici deux grands points d'acupuncture qui seront bénéfiques en cas de problèmes de peau. Ce travail de digipression sera d’autant plus efficace si il fait suite à une séance de shiatsu ou d’acupuncture dont il va maximiser les bénéfices.
Ces points doivent être stimulés par une pression des doigts (pouce ou alors majeur sur index) durant 5 cycles respiratoires. La profondeur de la pression dépendra de votre ressenti : elle sera plus en surface si le point est sensible et rebondi, et plus en profondeur si le point est mou et vide.
Il existe une symétrie des points entre les côtés gauche et droit du corps, il faudra donc travailler les deux côtés.
©anne-duval.com
V40 : Milieu du pli
Il se situe à l'arrière du genou, au milieu du creux poplité.
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Rte10 : Mer du Sang
Il se situe au-dessus du genou, à 3 travers de doigts de la rotule. Pour le trouver, empaumer le genou, le point se trouve sous le pouce.
Cette digipression peut être faite régulièrement, 1 ou 2 fois par semaine, ou alors de manière plus intensive en cas de crise. Il ne saurait remplacer une séance de shiatsu ou d'acupuncture, encore moins la consultation d'un professionnel de santé, mais peut apporter un certain soulagement.
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Séverine (dimanche, 07 juillet 2024 10:28)
Pourquoi ne pas ponctuer les points poumon et GI en parallèle ?